Le changement de direction artistique chez Chanel marque un tournant discret mais profond. Sous l’impulsion de Matthieu Blazy, la maison semble renouer avec son essence : une vision où le sens prime sur l’image, et où le savoir-faire devient langage. Nous avons demandé à notre experte, Caroline Fayon, son point de vue en tant que responsable pédagogique de la filière Stylisme Modélisme de notre école MODART, styliste et designeuse.

Pour elle, cette transition n’est pas seulement esthétique : elle est identitaire. « Ces moments de passage forcent une maison à se regarder dans le miroir », souligne-t-elle. Un changement de direction artistique, surtout dans une institution aussi mythique, agit comme un révélateur. Il interroge la capacité d’un héritage à dialoguer avec son époque. Ainsi, Chanel continue d’écrire son histoire sans se répéter, en réaffirmant la cohérence d’un récit qui traverse les décennies.
Entrer chez Chanel, c’est mettre les pieds dans une légende. Le défi pour un nouveau créateur est immense : trouver la bonne distance entre respect et affirmation. « Le risque, souligne Caroline, est d’être écrasé par le mythe ou d’en sortir par provocation. » Matthieu Blazy, lui, semble avoir trouvé cet équilibre rare. Il conserve les codes – le tweed, la veste, le galon – tout en les revisitant par la matière et la structure. Il ne trahit pas, il reformule. Son approche rappelle que l’héritage de Chanel n’est pas un motif mais une idée : celle de la liberté, du confort et de la simplicité raffinée.
Une leçon pour demain

Pour les jeunes générations de créateurs, cette transition est une leçon d’une grande justesse. « Comprendre avant de créer, observer avant de transformer », dit-elle. Réinventer une icône sans effacer son essence exige humilité et culture. Les écoles de mode, selon elle, devrait mieux préparer les étudiants à cette lecture symbolique des marques : la direction artistique n’est pas seulement affaire de style, mais de récit, d’identité et de vision. Savoir lire un ADN, déchiffrer un langage, prolonger une histoire – voilà ce qui permet de durer.
Quant à la question de la réinvention, elle répond avec retenue : « On ne réinvente pas Chanel ou Dior, on impose une vision. On dialogue avec une mémoire, avec des gestes, avec une histoire vivante. » Créer, pour elle, est avant tout un acte d’écoute. Car c’est dans ce dialogue silencieux entre héritage et invention que se joue la beauté du métier. Le souffle que Matthieu Blazy insuffle à Chanel est peut-être celui-là : une création plus intérieure, plus sensible, où la main parle avant l’image. Et dans cette discrétion, dans cette écoute du passé, se dessine sans doute la plus belle forme de modernité.