Émilie Kurec, étudiante et lauréate du prix Efashion awards : pour une mode responsable

Émilie Kurec, étudiante et lauréate du prix Efashion awards : pour une mode responsable

Émilie Kurec, étudiante et lauréate du prix Efashion awards : pour une mode responsable

Étudiante en Stylisme-Modélisme à MODART Lyon, Émilie Kurec s’est récemment illustrée en remportant le Prix Espoir des E.Fashion Awards 2025. Passionnée de couture depuis son enfance en Savoie, elle défend une vision engagée d’une mode responsable, mais aussi mais aussi créative et technique. Inspirée par la montagne et ses valeurs, Émilie réinvente les codes en donnant une seconde vie à des matériaux inattendus, comme des bâches de rafting ou des cordelettes de parapente.

Dans cette interview, elle revient sur son parcours, ses inspirations, son expérience lors du concours et ses ambitions pour l’avenir.

Peux-tu nous raconter ton parcours jusqu’à aujourd’hui ?


J’ai suivi un bac général, assez exigeant, que j’ai obtenu avec mention. Depuis la 3e, on nous demandait déjà de réfléchir à notre avenir. On me décrit souvent comme très active, avec beaucoup de passions et d’envies différentes. Contrairement à certains camarades qui ne savaient pas quoi faire, j’avais du mal à choisir tant j’aimais de choses.

La couture m’est venue de ma grand-mère. Ce sont mes souvenirs les plus précieux. Je créais mes vêtements, et je voyais que mes proches trouvaient ça impressionnant, alors que pour moi c’était naturel. Petit à petit, j’ai compris que c’était ma voie.

Les études de mode étant coûteuses, mes parents m’ont beaucoup soutenue : ils ont financé ma première année et m’ont encouragée à continuer. J’ai ensuite contracté un emprunt pour poursuivre. Je leur suis extrêmement reconnaissante.

Quel est ton projet professionnel ?


Quand on entre dans une école de mode, on pense tout de suite aux grandes maisons comme Dior ou Chanel. Mais ce n’est pas ce qui me fait rêver.
Mon objectif est d’apporter une touche mode aux marques outdoor. Le phénomène gorpcore est en pleine expansion et m’inspire beaucoup. J’ai d’ailleurs travaillé chez Salomon, une marque qui me tient à cœur depuis longtemps.

À terme, j’aimerais acquérir un maximum d’expérience dans différentes entreprises outdoor, puis créer ma propre marque, à la fois esthétique, technique et responsable.

Émilie Kurec, étudiante en 3ème année de Stylisme Modélisme à MODART Lyon et lauréate du prix espoir du concours Efashion awards

Qu’est-ce qui t’a menée vers la mode responsable ?


Pour moi, c’est une évidence. Je n’ai jamais eu besoin de vêtements neufs, je portais ceux de mes cousines ou de mes grands-parents. J’adorais avoir des pièces uniques alors que tout le monde portait les mêmes t-shirts de grandes marques.

Je ne comprends pas l’attrait pour la fast fashion. Bien sûr, il y a la question du budget, mais il existe tant d’autres manières de consommer la mode.
Ayant grandi en Savoie, je suis aussi très attachée à mon environnement. Je ne pourrais pas concevoir de créer en piétinant la nature.

Pourquoi avoir participé aux E.Fashion Awards, concours de mode responsable ?


Le concours, organisé par MODART, n’est pas obligatoire. Mais notre enseignant, Rémy Perrier, nous a poussés à tenter l’expérience. Avec son regard sincère et exigeant, il nous a aidés à développer nos concepts.

Je me suis inspirée d’une initiative existante dans la vallée des Belleville : une créatrice qui upcycle les tenues de moniteurs de ski de l’ESF (obligés de les changer tous les deux ans, alors qu’elles coûtent environ 1 000 €). J’ai voulu aller plus loin et transformer ces matières en vêtements.

Comment s’est passée l’expérience ?


Le développement du projet en cours a été une superbe étape. En coulisses, l’ambiance était très stimulante, entre entraide et échanges d’idées. Quand j’ai appris que j’étais sélectionnée pour la finale, c’était incroyable ! D’autant plus que c’était ma première fois à Paris.

Lors de la présentation, j’étais stressée, mais j’ai réussi à dire l’essentiel. C’était une expérience marquante, qui me prépare déjà au défilé de fin d’études en 3e année.

Et le moment de la victoire ?
Je ne m’y attendais pas, d’autant que j’avais beaucoup aimé les projets des autres finalistes. Quand mon nom a été annoncé pour le Prix Espoir, j’ai immédiatement pensé à ma mère, qui avait fait le déplacement. La rendre fière a été un immense bonheur.

Peux-tu présenter tes deux silhouettes ?

  • La première tenue, bicolore, composée d’une veste et d’un pantalon, a été réalisée à partir de bâches de rafting (je voulais initialement des bâches de ski, mais je n’en ai pas trouvé). J’ai intégré des poches techniques et opté pour des coupes 70’s, inspirées de mon moodboard. Le look était complété par des moonboots vintage.
  • La seconde tenue a marqué les esprits : une veste effet doudoune, créée en cousant des tunnels dans lesquels j’ai inséré des cordelettes de parapente, donnant des volumes froncés originaux. Elle était associée à un pantalon droit et une double ceinture bleue.
Émilie Kurec accompagnée de ses deux modèles à l’occasion du concours Efashion awards 2025

Était-ce difficile à travailler ?


Oui ! J’ai cassé beaucoup d’aiguilles. J’ai dû utiliser du fil épais pour que les coutures tiennent. C’était un vrai défi technique, mais le résultat a surpris et séduit.

Une pièce dont tu es particulièrement fière ?


La veste effet doudoune, sans hésiter. Tout le monde l’a adorée. Mais plus largement, je suis fière d’avoir prouvé qu’il était possible de transformer des matériaux inattendus en vêtements attractifs.

Quelle est ta vision d’une mode engagée ?


Être engagé, ce n’est pas seulement respecter l’environnement. C’est aussi penser à l’inclusion : diversité des mannequins, respect des tailles, représentation des origines.
Côté production, il s’agit de réfléchir à toute la chaîne : sourcing local, respect des droits humains, limitation du transport… Une mode engagée doit être cohérente du début à la fin.

Comment as-tu intégré l’écoresponsabilité à ton projet ?


J’ai fait de mon mieux : récupération directe des bâches en station, refus d’utiliser des produits chimiques, utilisation de fournitures de seconde main via la boutique Agnès B. à Lyon. Les traces et inscriptions sur les bâches ont été conservées, pour valoriser leur authenticité et éviter des traitements polluants.

Qu’est-ce qui t’inspire au quotidien pour tes créations et pour suivre ton désir de mode responsable?


Les montagnes, avant tout. C’est mon identité, ma culture, mes racines. Elles nourrissent mes créations et me donnent envie de poser des questions concrètes sur l’utilisation de matières spécifiques.

Quels sont les grands défis pour rendre la mode plus durable ?


Le budget, avant tout. Un vêtement bien fait ne peut pas être vendu à bas prix. Il faut éduquer le public à consommer autrement : acheter moins, réinventer ce qu’on a déjà, privilégier la qualité et le respect des conditions de fabrication.

Quel message aimerais-tu transmettre aux jeunes créateurs ?


Qu’il faut s’investir à 100 %. Les études de mode demandent un engagement total, mais cela en vaut la peine. Quand on croit en son projet, il faut se donner les moyens.

Et la suite pour toi ?


Grâce au prix, j’ai déjà de belles opportunités : un accompagnement avec Cause 361, des rendez-vous avec Agnès B., et bien sûr ma 3e année à MODART, où je travaillerai pendant un an sur ma collection de fin d’études qui donnera lieu au fameux défilé MODART qui a lieu chaque année. En attendant, je profite de mon été en stage… dans les montagnes !